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23°00'S, 43°29'E

On a beaucoup parlé des mangroves de Manombo à la suite de l'assassinat de Gérald Fontaine. En voici une succinte description.

Extraits du chapitre 9 [Lebigre, J.M., 1990.- Les marais maritimes du Gabon et de Madagascar, contribution géographique à  l'étude d'un milieu naturel tropical. Université de Bordeaux 3, thèse de doctorat d'Etat, 3 livres, 194 fig., 94 ph.]

 

MAD Manombo JML 1986 14

Une mangrove appropriée par les communautés villageoises

MAD Manombo JML 1986 13

Terebralia palustris en abondance = abondance de carbonate de calcium

 

4. LE MARAIS MARITIME DE MANOMBO-FITSITIKA

 

            Situé à une cinquantaine de kilomètres au nord de Tuléar, le marais maritime de Manombo-Fitsitika, que l'on pourra observer des dunes qui portent le gros village de pêcheurs du même nom (250 pirogues), porte la mangrove la plus belle de la région (fig. 102).

 

FIGURE   102  : Le marais maritime de Fitsitika (S.W. de Madagascar)

 

MAD Manombo 2011 100

Image Google Earth

 

            A. LE CONTEXTE GEOMORPHOLOGIQUE

 

            Le marais maritime de Fitsitika se situe à l'embouchure de la Manombo (23° de latitude sud) petit fleuve intermittent prenant sa source à une centaine de kilomètres plus à l'est, dans le massif calcaire du Mikoboka (1081 m); ce n'est qu'à l'occasion des crues exceptionnelles que la rivière perce le cordon littoral qui barre son cours et répand ses alluvions; une partie de celles-ci en se déposant dans le lagon de Ranobe à l'abri du récif, est à l'origine du marais.

 

            Le delta qui s'est formé à l'embouchure de la Manombo n'a qu'un faible développement : quelques centaines d'hectares dont une grande partie en champs de dunes vives (notamment des barkhanes au niveau du village de Fitsitika).

 

            Autour du delta s'étendent plusieurs systèmes de dunes : (1) à l'est, les sables roux tatsimiens;  (2) au nord, derrière la dune bordière un système de dunes paraboliques karimboliennes;  (3) au sud, une dune bordière et un cordon sableux parallèle séparent la mangrove d'une dépression salée à Salicornia inondée en saison des pluies, en voie d'aménagement salicole.

 

            Le delta est le point de départ du grand récif-barrière de Ranobe qui se développe en direction de Tuléar vers le sud : au nord du marais maritime, le récif reste accolé à la côte gardant, l'aspect d'un récif-frangeant. Sans sa protection la mangrove n'aurait pu se développer dans ce qu'il convient d'appeler un site de lagon ou de chenal d'embarcation.

 

            B. LA VEGETATION : DE FORTS CONTRASTES

 

            Le marais maritime de Fitsitika est pour l'essentiel constitué par une mangrove (voir chapitre 3 : fig. 27); il n'existe qu'un petit tanne linéaire à la limite du cordon sableux et un marécage d'eau faiblement saumâtre d'extension réduite au nord.

 

            La mangrove d'une surface d'environ 400 ha, s'étire sur plus de 10 km du nord au sud, mais en fait au delà du cinquième kilomètre et jusqu'à Andrevo elle se réduit à un mince liseré de palétuviers. Nous nous proposons de décrire quatre ensembles s'articulant du nord au sud.

 

1. au nord : prairie marécageuse et mangrove dulcicole

 

            Au nord, l'inféro-flux de la Manombo alimente le marais maritime  en eau douce. Cet ensemble enserré entre des dunes est peu soumis aux influences marines, ce qui explique l'existence d'un marécage d'eau faiblement saumâtre et d'une mangrove à Xylocarpus. La prairie marécageuse est formée d'Acrostichum aureum, Typha angustifolia et Cypéracées (Scirpus sp.). La conductivité de l'eau de la nappe varie entre 2,1 et 5,9 mmhos / cm en saison sèche.

            Xylocarpus granatum, autour des chenaux, et Bruguiera gymnorrhiza sont les deux palétuviers qui forment l'essentiel des peuplements de la mangrove; mais on y observe aussi Avicennia marina et Rhizophora mucronata auxquels se mêlent quelques Ceriops tagal. Quant à Lumnitzera racemosa, il est caractéristique des bordures de cet ensemble en association avec des herbacées. La présence de Sonneratia alba est plus surprenante (Cf. la partie consacrée à cette espèce) : ce taxon omniprésent dans le marais maritime  de Fitsitaka, se trouve ici en partie interne de la mangrove, mêlé à des herbacées.

 

            Les habitants de Fitsitika défrichent actuellement cette partie du marais, pour créer de petites parcelles encloses par des palissades en branchages de palétuviers et cultivées en canne à sucre. Jusqu'à 1989, cela n'affectait encore que de toutes petites surfaces, mais actuellement on assiste à un véritable massacre de cette partie du marais maritime (constaté lors d'une excursion avec P. Vasseur).

            Sous un défrichement  destiné à fournir du bois de feu, la conductivité de la nappe était de 33 mmhos/cm. Par contre juste à côté, l'eau du chenal bordé par Xylocarpus, prélevée à marée basse, avait une conductivité de 7,9 mmhos.

 

2. La mangrove à Rhizophora et à Avicennia

 

            Immédiatement au sud, la mangrove revêt une zonation floristique assez classique. Du chenal d'embarcation vers le cordon sableux on a :

 

1) une zone pionnière à Sonneratia alba et Avicennia marina,

2) une zone à Rhizophora mucronata prenant la succession des palétuviers précédents encore présents,

3) une zone à Rhizophora mucronata en peuplement dense et au sous-bois épais; quelques Sonneratia alba s'y mêlent de plus en plus épisodiquement,

4) une zone interne à vieux Rhizophora mucronata de 8 à 10 m de haut avec quelques grands Bruguiera gymnorrhiza et localement dans le sous-bois de rares Ceriops tagal d'un mètre de haut environ. Un grand nombre de ces arbres sont mourants. On n'y observe pas de jeunes plants de Rhizophora au niveau du sol. Les grands Rhizophora mucronata sont remarquablement beaux, munis de racines aériennes qui pendent des grosses branches et couverts d'innombrables lichens.

 

            La mangrove ne butte pas directement sur le cordon sableux : elle en est séparée par un étroit tanne vif en cours de formation (mais la partie interne du tanne est couverte d'une pelouse de Cyperus laevigatus) à la limite de laquelle on observe quelques  Thespesia populnea et des Pluchea grevei. Cette zone est particulièrement menacée par les coupes de bois : ces beaux arbres sont une aubaine pour les bûcherons, d'autant plus que les charrettes peuvent se rendre ici sans difficulté. L'existence d'une mangrove de si belle venue sous un climat subaride ne peut s'expliquer que par les infiltrations d'eau douce de la Manombo; cela se vérifie au fur et à mesure que l'on s'éloigne vers le sud : la taille des palétuviers de cette zone floristique interne diminue et le tanne s'élargit.

 

3. La mangrove pionnière

 

            Au sud, la mangrove pionnière forme un gros appendice orienté parallèlement au récif : c'est Sonneratia alba qui domine dans ce secteur. La présence de bosquets bien individualisés dispersés sur la basse-slikke semblerait indiquer une colonisation rapide, mais l'examen des photos aériennes et l'existence de vieux palétuviers aux pneumatophores géants (jusqu'à 1,40 m de haut) au sein de ces bosquets révèle une dynamique saccadée sans doute liée à quelques grandes crues exceptionnelles à la suite desquelles il se produit un engraissement de la basse-slikke.

 

            La zonation floristique serait semblable à celle de l'ensemble précédent si à Rhizophora mucronata ne succédait pas Avicennia marina sous forme d'un peuplement de petite taille laissant finalement la place à un minuscule tanne.

 

4. Le liseré de mangrove méridional

 

     Le liseré de mangrove méridional qui suit le cordon sableux sur 5 à 6 kilomètres, jusqu'à Andrevo, est essentiellement constitué de gros Sonneratia alba et d'Avicennia marina pionniers. Cependant la mangrove atteint parfois une centaine de mètres de largeur ce qui permet une zonation floristique plus complète avec Rhizophora mucronata et Bruguiera gymnorrhiza. De petits tannes parallèles au rivage sur lesquels subsistent quelques palétuviers morts se sont même formés en arrière. L'existence de véritables sources d'eau saumâtre est attestée par de petites surfaces herbeuses au milieu des palétuviers et un sol très mou. A Andrevo, la mangrove, fortement exploitée par les villageois s'arrête brutalement, mais dans une proche lagune est envahie de Bruguiera gymnorrhiza et d'Acrostichum aureum.

 

            C. LA MANGROVE DE MANOMBO-NORD

 

       Ce petit marais de 1 100 m de long sur 400 m de large (une vingtaine d'hectares) est situé à 4 km au nord du précédent (22°56' lat.S) et bordé dans sa partie orientale par le système dunaire parabolique karimbolien. Il ne mériterait pas ce paragraphe s'il ne présentait la particularité d'être constitué par une mangrove uniformément belle (arbres de 10 à 12 m de haut) et de ne comporter aucun tanne; cela peut en effet surprendre lorsque l'on sait que la petite lagune colmatée à laquelle correspond ce marais ne reçoit pas le moindre cours d'eau. On peut donc supposer qu'il existe un apport d'eau douce par inféro-flux.

          La zonation floristique se présente ainsi de la mer vers les dunes :

1) Sonneratia alba et Avicennia marina dans la zone externe protégée par un récif-frangeant ;

2) Rhizophora mucronata et dans une moindre mesure Sonneratia alba en un peuplement de belle venue au sous bois très dense où la régénération spontanée des palétuviers est excellente; cet ensemble forme l'essentiel de la mangrove ;

3) quelques Bruguiera gymnorrhiza en bordure du marais et sur un petit cordon de sable non submersible (sur lequel on trouve également quelques autres palétuviers morts ou mourants, Caesalpinia bonduc, Scaevola plumieri, Thespesia populnea, Ipomea pes-caprae et Sporobolus sp.).

         D'un point de vue pédologique, le marais est constitué par un matériau riche en matière organique et en éléments coralliens souvent grossiers.

          La mangrove dans sa partie septentrionale vient butter sur un talus formé par des grès dunaires de couleur rouge transgressés par une petite dune bordière de sables blancs, et criblés de gros alvéoles.

 

MAD Manombo JML 1986 12

Une bonne régénération

Tag(s) : #Madagascar
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